Les relations experts-usagers à l'épreuve des lieux
17 oct. 2018 Marseille (France)

Appel à communications

Au croisement des enjeux politiques, sociaux, économiques et environnementaux, les relations entre experts (urbanistes, architectes, bailleurs ou encore politiques) et usagers (habitants, visiteurs, travailleurs, touristes, etc.) sont au cœur de la production de l’urbain et des territoires. Qu’elles soient consensuelles, partenariales, tendues, voire conflictuelles, ces relations représentent un élément central de production de savoirs et de savoir-faire plus ou moins partagés entre les acteurs impliqués à différents niveaux et étapes du processus, et peuvent offrir un espace de négociation des normes (Genestier, 1996 ; Sinigaglia-Amadio, 2006 ; Topalov, 1999). Cet atelier doctoral questionnera tant les modalités et contextes de production des relations entre experts et usagers, que leurs effets variés sur les orientations politiques et opérationnelles prises, sur les processus de négociation quotidienne des espaces et plus largement sur les ségrégations urbaines (Hirschman, 1970 ; Trépos, 1996). En outre, il accordera une attention particulière à la mobilisation de discours, de vocabulaire et de rhétorique qui charrient des images et des représentations sans doute diverses des espaces ciblés – et de ce qu’ils sont censés devenir –, ainsi qu’aux registres de légitimation par les différents groupes d’acteurs au cours des processus de production urbaine.

Si le recours aux catégories d’« experts » et d’ « usagers » permet plus aisément de distinguer des acteurs dont la position les place d’un côté ou de l’autre du processus relationnel, ces catégories s’avèrent loin d’être figées ni totalement satisfaisantes pour penser ces relations (Boy, 2003 ; Grimaldi, 2010). Ainsi, cette journée permettra de déconstruire ces catégories en faisant ressortir la pluralité des situations et des intérêts des acteurs en présence afin de rendre compte au mieux de la complexité de ces relations et de la pluralité des échelles.

Les communications pourront tout aussi bien porter sur des situations de conflit, de négociation, de dialogue et de co-construction entre experts et usagers, mises à jour grâce à l’étude des processus de construction, destruction et d’appropriation des lieux et espaces.

Axe 1 : Discours et rhétoriques

Les communications pourront se concentrer sur la production de discours des experts et usagers au sein de la fabrique de la ville (Fijalkow, 2017 ; Garric et Léglise, 2012 ; Laügt, 2000). L’étude de ces discours permettrait de mettre l’accent sur les représentations, images et symboles mobilisés par les experts, comme par exemple  quant à la figure du « bon usager » de la ville que peuvent avoir les promoteurs, les architectes ou encore des élus (Langlois, 2005 ; Lascoumes, 2005). Les communications pourront également s’intéresser aux différentes rhétoriques mobilisées dans l’objectif de légitimer des prises de décisions politiques et des sanctions face aux accommodements des usagers. Dans ce cas, une attention particulière sera portée à l’analyse des « experts » et des usagers comme des groupes hétérogènes mus par des objectifs et des cadres de représentations différents. Étudier dans le détail les registres de légitimation permettra de mettre en lumière la multiplicité des acteurs de la production de la ville mais également la pluralité de la « culture savante » et de la « culture profane ».

En ce sens, cet axe s’intéressera à la production de discours des usagers, dans sa diversité ; qu’elle soit en opposition, conflit ou accord avec les experts (Arripe et Routier, 2013 ; Wynne 1999). Cet axe ouvrira également la réflexion sur les modes de diffusion de discours et rhétoriques sur les sphères publique et médiatique en les mettant en relation avec les contextes et étapes de production ou conflit autour de la ville (Lochard et Simonet, 2003). Les travaux analysant les discours et rhétoriques pourront mettre en avant les différentes représentations de la ville qu’ils charrient et les pratiques sociales associées.

Axe 2 : Pratiques et stratégies

Cet axe s’intéressera aux pratiques effectives des usagers et aux pratiques projetées par les experts. Les pratiques, notamment professionnelles, des experts seront questionnées afin de comprendre en quoi elles sont porteuses de représentations, de valeurs ou de cultures professionnelles pouvant entrer en écho, ou non, avec celles des usagers. En parallèle, comprendre les pratiques des usagers « profanes », les ressources et compétences mobilisées dans ces pratiques permettra de réfléchir aux potentiels points de dissonance ou concordance avec les pratiques attendues par les experts (Bonnet, 2006 ; De Certeau, 1990 ; Sintomer, 2008).

Les communications pourront ainsi porter sur les rapports entre les différents acteurs que ce soit en termes d’opposition, d’adoption ou encore de négociation dans les rôles et les statuts à jouer. Les stratégies mises en place par ces acteurs, leur contexte, les motivations qui les sous-tendent, sont autant de points d’accroche pour la réflexion (Prévil, 2009).
Les inscriptions spatiale, territorialisée ou encore corporelle des pratiques seront un élément d’analyse pertinent pour saisir les relations entre experts et usagers à l’épreuve des lieux.

Axe 3 : Compétences et légitimités

Cet axe portera plus précisément sur les savoirs et les enjeux de légitimité associés. L’émergence de nouveaux espaces d’échange, de rencontre entre experts et usagers invite à repenser le processus de validation des savoirs et compétences. A titre d’exemple, les réunions de concertation sur la ville sont autant de lieux d’expression de rapports de force entre ceux définis a priori comme « usagers » et comme « experts » (Bacqué et Sintomer, 2011 ; Berger, 2009 ; Cuny, 2013 ; Deleuil 2009). Les stratégies de légitimation des discours d’expertise, les enjeux de production de normes et la concentration du pouvoir de décision pourront mener à traiter les questions de représentativité politique et de substitution de la parole des usagers (Callon, Lascoumes , Barthe, 2001). La reconnaissance croissante du savoir habitant, de la place de l’usager dans la production urbaine amène à repenser le rapport entre les acteurs et la légitimité des discours et pratiques de chacun (Bérard et Crespin, 2015 ; Moretto, 2012).

Les communications pourront ainsi porter sur les enjeux de pouvoir autour du contrôle de légitimité des discours et pratiques, par le biais notamment de la mobilisation de certaines ressources et compétences (symboliques, sociales, économiques…). Il sera ainsi pertinent de se questionner sur la place des savoir-faire au regard des savoirs savants, des délimitations entre ces deux registres de savoir.

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Ces trois axes ont pour vocation d’indiquer des orientations mais les communications proposées peuvent être transversales. Des propositions portant sur d’autres thématiques peuvent par ailleurs être soumises.

Bibliographie indicative

Personnes connectées : 1